17/09/2024
Cozzano, village de l’intérieur de la Corse, est équipé de deux microcentrales
hydroélectriques qui, depuis 2022, couvrent les besoins domestiques des communes du
canton, et d’une population qui, en période de crête, atteint les 3 500 à 4 000 habitants. L’une
est connectée au réseau d’adduction d’eau potable, l’autre se situe au fil de l’eau sur la rivière
Le Mezzanu. Les deux centrales ont la capacité de produire 2 000 000 kWh, une électricité
revendue à EDF qui constitue une manne pour le village, avec 330 000 € de recettes
nouvelles.
Le village s’est engagé dans une démarche de territoire à énergie positive, au sein d’une Corse
qui est une zone non interconnectée, dépendant ainsi de l’extérieur pour satisfaire ses besoins
en électricité. Une chaudière biomasse, produisant une énergie équivalente à 220 000 KW/h,
complète le paysage. Elle alimente en chaufferie l’ensemble des bâtiments publics. « Nous
remplissons notre part du contrat en utilisant ainsi une énergie potentielle, des énergies
renouvelables, issues de ressources propres », souligne Jean-Jacques Ciccolini, maire de
Cozzano depuis 1986. 600 000 kW/h par an. Elle est située au fil de l’eau, sur la rivière Le Mezzanu, un affluent du
Taravu – Crédits photo : Banque des Territoires
Entretien avec Jean-Jacques Ciccolini, maire de la
commune de Cozzano
Parole de collectivité
Jean-Jacques Ciccolini, le maire de Cozzano, suit la production d’énergie depuis son bureau.
L’élu peut piloter le fonctionnement des deux microcentrales à distance. Il a fait de sa
commune du Haut-Taravo le premier territoire à énergie positive de Corse – Crédits photo :
Banque des Territoires
Production de l’eau
Ce projet est présenté par :
• Jean-Jacques Ciccolini, maire de la commune de Cozzano
Une source à 1300 mètres d’altitude, un réservoir d’eau potable à 740 mètres, un village
implanté plus bas encore. Un delta de puissance qu’on pouvait transformer en énergie
électrique.
Jean-Jacques Ciccolini
Parole de collectivité
Afin de vous permettre de mieux appréhender la mise en place des projets de gestion de l’eau
sur votre territoire, aquagir part à la rencontre d’élus et de porteurs de projets qui sont
passés à l’action
Comment l’installation d’une micro-centrale hydroélectrique sur le réseau
d’adduction d’eau potable de Cozzano, puis d’une seconde sur le cours de la
rivière, s’est-elle imposée à l’agenda de la commune ?
Quand j’observe les montagnes qui dessinent la vallée, et plus loin le plateau du Cuscione, je
vois l’immensité et à la richesse d’un château d’eau naturel qui surplombe Cozzano et le
Haut-Taravo. Cela a alimenté ma réflexion : comment canaliser l’énergie de cette eau qui, de
sources en cascades, dévale sans retenue vers la mer. L’idée s’est donc portée sur cet usage
secondaire de l’eau potable. Comment exploiter cette différence de potentiel sur le réseau
puisque nous avons une source captée à 1230 m d’altitude, un réservoir à 740 mètres, et un
village à 700 mètres ? Un delta de puissance que nous devions transformer en énergie
électrique.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez suivies pour vous faire une
idée de ce projet ?
Pourquoi dans des zones reculées de la Corse profonde ne pas s’engager sur des process aussi
pertinents ? Je suis allé dans les Alpes, j’ai visualisé des installations de ce type. Il s’agissait
de faire de cette chute une force. Là où d’autres installent un réducteur de pression, j’ai choisi
de positionner une turbine. La rénovation du réseau d’adduction d’eau potable a ouvert une
fenêtre d’opportunité.
Est-ce qu’une étude de faisabilité et/ou d’impact a été réalisée sur ce projet ?
On ne peut pas dévier ou augmenter la production d’une source sans une déclaration d’utilité
publique et une autorisation préfectorale.
Concernant les compétences, quels sont les principaux sujets à maîtriser avant
de se lancer dans ce projet ?
D’abord, repérer les sources potentielles, évaluer la production, faire un étalonnage de la
source, un hydrogéologue nous a aidés. Un bureau d’études spécialisé est intervenu en amont
de la réflexion. La contribution d’EDF s’est concentrée sur le raccordement au réseau
électrique. Nous sommes dans une relation commerciale, mais l’ingénierie d’EDF a répondu à
des questions essentielles : comment se raccorder au réseau ? Comment injecter la production
?
Lors de la phase de diagnostic et de planification, comment la collectivité a-t-
elle assuré le bon dimensionnement du projet et l’adhésion des citoyens ?
L’adhésion des administrés s’est faite à travers l’enquête publique. Le bureau d’études
spécialisé sur le réseau d’eau nous a permis de mieux appréhender le projet et de le
dimensionner correctement afin de garantir un débit suffisant pour faire tourner une turbine de
ce type. J’étais conscient que cela sortait des sentiers battus de l’action municipale, et que cela
susciterait perplexité et incompréhension parmi les autres élus insulaires, prompts à
considérer que la production d’électricité relève uniquement d’un processus industriel.
Comment la collectivité a-t-elle financé le projet, et quelles sont les aides
sollicitées et obtenues ?
Pour la centrale sur le réseau d’eau potable, l’investissement de près de 300 000 €,
comprenant notamment la création d’une conduite d’amenée d’eau enterrée de 3 420 mètres
de longueur, a été soutenu par la Collectivité de Corse et le Fonds européen de développement
régional. La contrepartie est que le prix de vente de l’électricité à EDF, unique opérateur sur
l’île, est inférieur au marché à 0,1025€ le kWh. Mais la démonstration a été faite, auprès de la
population notamment, qu’une eau turbinée ne subit pas d’altération, que sa potabilité reste
intacte.
Concernant la deuxième centrale au fil de l’eau, la commune a emprunté pour financer
l’intégralité des travaux, un investissement de 1 400 000 € réalisé sans aides publiques, nous
permettant de vendre l’électricité au prix du marché, soit 0,19€ le kWh. Elle fonctionne
d’octobre à juin afin de respecter les périodes d’étiage de la rivière, et de préserver aussi la
biodiversité.
Quels sont les autres acteurs qui ont accompagné la commune de Cozzano
dans la préparation et la réalisation de ce projet ?
Le partenaire incontournable reste l’État – préfecture, Draf et ARS – qui délivre les
autorisations nécessaires et, en bout de course, EDF pour la viabilité de l’installation, le
contrôle et l’évacuation de l’énergie.
Le projet en détails
Dates clés
2008
Inspiration
2009
Mise à l’agenda
2017
Installation de la microcentrale hydroélectrique sur le réseau d’eau potable
2022
Installation de la microcentrale hydroélectrique au fil de l’eau
Chiffres clés
299 000 €
Coût de la microcentrale sur le réseau d’adduction d’eau potable
380 000 kW/h
Production d’énergie de la microcentrale sur le réseau d’adduction
168 tonnes CO2
Émission évitée Tonne CO2/An de la microcentrale sur le réseau d’adduction
1 400 000 €
Coût du projet de la microcentrale au fil de l’eau
1 600 000 kW/h
Production d’énergie de la microcentrale au fil de l’eau
918 tonnes CO2
Emission évitée Tonne CO2/An de la microcentrale au fil de l’eau
Résultats
• Le projet s’inscrit dans l’objectif de l’autosuffisance énergétique de Cozzano
(TEPOS = Territoire à Energie Positive), en cohérence avec celui de de la Corse qui
vise le même objectif à l’horizon 2050.
• Cette auto-suffisance énergétique nous assure aussi une auto-suffisance
financière. Nous avons pu consolider le budget communal qui, grâce à la vente
d’électricité, a progressé de plus de 50%, passant de 600 000 € à plus de 900 000 €. La
vente de l’électricité représente plus du tiers de nos ressources, une part qui n’est pas
impactée par les variations des dotations de l’État. Nous pouvons ainsi mener d’autres
projets qui ne sont pas communs pour un village de l’intérieur de l’île, peuplé de 300
habitants seulement : salle de sports, coworking, maison de santé, soutien à l’école,
logements inclusifs, piscine.

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